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Le Thabarwa Center : une fabuleuse expérience humaine

Le volontariat est une dimension que nous avons toujours voulu intégrer à notre voyage, car il nous semble important d’aller au-delà du simple tourisme et de donner de notre temps et de notre énergie pour les pays qui nous accueillent. Nous voulions nous impliquer dans un projet porteur de sens afin d’aider à notre mesure, ceux dans le besoin et nous n’étions pas sans savoir que les opportunités étaient nombreuses ici, en Birmanie.


Nous avions longuement cherché depuis Bruxelles des organisations, associations ou autre centre où nous aurions pu nous rendre mais la réalité du réseau internet birman nous a vite rattrapés : les quelques sites que nous avions trouvés étaient, pour la plupart, mal faits et incompréhensibles… Il n’y avait donc pas d’autre choix que de voir sur place ! Et c’est de cette manière que nous nous sommes retrouvés, un peu par hasard, au Thabarwa Center, adresse que nous avait vivement conseillé une backpackeuse rencontrée quelques semaines plus tôt. C’est des étoiles pleins les yeux qu’elle nous en avait parlé et nous avions alors vite compris que nous venions de trouver notre premier projet.


Voilà comment, 1 mois plus tard, nous sommes passés avec notre taxi sous l’arche d’entrée du centre, où était inscrit :


« Thabarwa Center, Raindbow Hospital »

“Sharing, Caring, Helping, Protection & Cooperation by mindfulness & right understanding”


Nous étions le 3 mars, et nous sommes entrés dans ce centre, incrédules mais remplis de bonne volonté, pour ce qui allait être probablement une des expériences les plus marquantes de notre voyage. Comme dit plus haut, nous n’avons pas su récolter beaucoup d’informations sur ce qu’était au juste le Thabarwa center, mais au final, ce n’était pas plus mal de ne pas savoir ce qui nous attendait… en effet, on aurait peut-être pas sauté le pas si rapidement !




Pour placer le contexte, au Myanmar, le coût de la terre ayant augmenté en raison du développement rapide de ces dernières années, de nombreuses personnes ont été contraintes à quitter leur domicile. A la campagne, de vastes superficies de terres ont été acquises pour le compte de sociétés étrangères. Sans aucun moyen de survie, de nombreuses personnes déplacées migrent vers Rangoon (la capitale économique) à la recherche de travail mais finissent par se retrouver à la rue. Les déplacements induits par le développement et amplifiées par les catastrophes naturelles, ont déjà rendu des millions de birmans sans abri. Et c’est là qu’est intervenu Thabarwa. Le centre (on utilisera ce terme vague car il s’agit plus d’un village/communauté répartis sur plusieurs hectares et comprenant des maisons, des petits magasins, deux hôpitaux…) a été ouvert il y a 10 ans par un moine, le vénérable Sayadaw Ashin Ottamasara, pour venir en aide à tous ces pauvres gens.


Voici l’histoire de comment nous avons passé une semaine dans cet incroyable lieu, à aider les moines à collecter les dons pour nourrir 3000 personnes chaque jour, à enseigner l’anglais aux enfants du centre, à aider les malades et démunis à manger, à se laver et même à assister le personnel soignant avec le traitement des patients. Tout ça était complètement nouveau pour nous et la plupart du temps bien au-delà de notre zone de confort. Retour sur cette incroyable expérience, dont nous ressortons grandis et tellement enrichis.




A peine arrivés, nous rejoignons le petit groupe de nouveaux volontaires du jour pour assister au tour de présentation du centre. John, un bénévole installé là depuis plus de 3 ans, nous explique directement (et contre toute attente) que nous allons être totalement libres là-bas : de la durée de notre séjour au programme de nos journées, et le tout sans aucune contribution financière, les repas étant eux-mêmes offerts ! En effet, le centre est essentiellement géré par les bénévoles et fonctionne entièrement au moyens de dons – un exploit incroyable, et un véritable témoignage de la générosité birmane. Alors, ça veut dire qu’on peut rester là plusieurs années, ne rien faire et ne jamais rien payer ? Oui ! Seulement, ce n’est pas le but évidemment. Pour eux, leur principe de base est que si l’on fait le bien autour de nous, on recevra du bien en retour (le karma, en somme). Par conséquent, si l’on ne fait rien ou que l’on fait du mal, rien n’arrivera de bon pour nous. C’est donc guidés par cette mentalité-là que les bénévoles arrivent et contribuent du mieux qu’ils peuvent à la vie sur place et qui, dès qu’ils restent un peu plus longtemps, prennent à leur tour les rennes du centre pour guider les nouveaux arrivés.


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Des informations pleins la tête, nous étions armés et prêts à entamer notre séjour, plus motivés que jamais. Notre première nuit à même le sol fut un peu rude, les bruits venaient de partout et les chiens des rues hurlaient comme des loups… Une immersion totale ! Néanmoins, au petit matin le lendemain, nous nous réveillons pleins d’entrain pour l’ALMS, l’aumône quotidienne des moines. Rendez-vous à 6h en bas de notre dortoir pour une heure de route vers la ville à l’arrière d’un camion, avec moines et enfants du village, désireux d’aider aussi. Arrivés à destination, notre mission est de suivre les moines dans les rues, et récolter les dons de nourriture et d’argent, le tout en silence et à pied nus (c’est obligatoire… ouille). On découvre alors aux premières loges l’extraordinaire générosité de la population qui donne sans compter, tombant sous le charme des petites bouilles d’enfants qui nous offrent le peu qu’ils ont avec un sourire énorme. Certains petits ne marchent pas encore mais savent déjà faire le salut bouddhiste tout en dignité… une image des plus touchante.






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Retour au centre vers 11h et partage du premier repas à 11h30, cuisiné entièrement avec les dons du jour. On se rend vite compte qu’on sera à nouveau les plus jeunes et de loin, la moyenne d’âge étant aux alentours de 25 ans. Mais rien n’y change, il faut dire qu’on commence à s’y habiter et puis c’est plutôt enrichissant de partager quotidiennement avec des plus âgés ! Parmi eux, beaucoup de français et d’israéliens (qui voyagent enfaite tous après leur service militaire obligatoire -garçons comme filles- et c’est pourquoi on en rencontre beaucoup partout!). Tous ont l’air géniaux et arborent des profils tous très différents, souvent assez surprenants et nous nous faisons toujours un plaisir de les découvrir.

A partir de là, nos chemins à Coco et moi vont commencer à différer et se séparer puisque nous ne choisirons que rarement les mêmes activités, et ce n’est pas plus mal, étant H24 ensemble au quotidien !^^ Nous avons donc deux visions différentes de notre expérience au Thabarwa, avec des anecdotes et des souvenirs propres à chacun. Cependant, nous avons essayé de retranscrire nos ressentis communs pour vous donner une idée de ce que nous avons vécu durant cette semaine.




Un des aspect qu’il nous est proposé d’approcher est le contact avec les patients des deux hôpitaux du centre : le « Rainbow hospital » et plus récemment le « White hospital », financé grâce au don d’un riche birman. Par « hôpital », il faut s’accorder sur le terme : ce sont plutôt des salles où sont entreposés les patients toujours trop nombreux, sans aucune hygiène, sur ce qu’ils appellent des « lits », qui sont enfaite de pauvres armatures en fer et parfois même de simples planches de bois à même le sol, sans aucun matelas, ce qui crée d’impressionnantes escarres sur le corps des patients incapables de bouger (et nombreux ils sont)… Pour leur venir en aide, 3 activités nous sont proposées : tout d’abord, le « Patient Washing », qui consiste à aller laver les patients qui ne savent pas le faire d’eux-mêmes. Entre les incontinents, les malades mentaux qui se débattent et ceux qui se mutilent jusqu’au parties génitales, c’est une des activités les plus éprouvantes qui vaccine souvent les bénévoles dès la première fois…


Ensuite, nous pouvons aller aider au « Patient care » qui consiste à octroyer des soins infirmiers aux malades, du bandage d’une jambe récemment amputée au nettoyage d’une escarre formant un trou de plusieurs centimètres dans la peau, toute aide est bonne à prendre car le personnel soignant est constamment en sous-nombre.



Finalement, nous est proposée la « Physiotherapy », ou kinésithérapie, activité la bienvenue pour tous les paralysés. Coco et moi avons eu l’occasion de faire les deux dernières et, après partage de nos expériences, nous nous sommes rendus compte avoir ressentis la même chose : une sensation commune d’illégitimité face à ce qu’il nous était demandé de faire, comme une énorme responsabilité qu’on nous a donné en un coup, à nous, petits jeunes de 18 ans qui venions de nulle part et surtout sans aucune expérience dans le milieu. Et waw, la maturité en prend un gros coup. On nous donne entre les mains des personnes souvent males en point, parfois même au bord de la mort où chaque erreur peut être fatale. La mort justement, nous l’avons vue de près, très près. Coco, qui était assidu au Patient Care, a vu des lits se vider du jour au lendemain, des patients émettre leurs derniers souffle et d’autres, condamnés, qui attendaient fatalement leur tour, dans cette ambiance si particulière. Nous avons dû nous habituer aussi à l’odeur de misère de ces lieux, entre excréments des patients incontinents, humidité et grand manque d’hygiène. Comme dit plus haut, le centre fonctionne grâce aux bénévoles, et là-bas, tout le monde est considéré comme en étant un pour les autres, même les patients eux-mêmes dans l’ordre de leur capacité. Une image qui restera gravée est celle de cet homme amputé des deux jambes qui se déplaçait avec ses deux mains grâce à un skateboard, et que rien n’arrêtait. Il débordait d’une telle joie de vive que cela en était déconcertant puisqu’en total contraste avec son état et celui de ses voisins. Armé d’un sourire constant, il aimait partager son enthousiasme avec tous ses congénères et répandait ainsi un peu de douceur et de légèreté dans l’atmosphère pourtant si lourde de l’hôpital. Ses petites blagues faisaient sourire même les plus atteints et son rire nous soulevait le cœur un peu plus chaque fois. Un jour, alors que je m’occupais de la kinésithérapie d’un patient paralysé du côté gauche, je l’ai vu rouler à l’aide de ses bras jusqu’à l’autre bout de la pièce pour venir en aide à un autre patient incapable de bouger qui devait être retourné. Il est venu l’aider puisqu’il était encore capable d’utiliser ses bras. Croyez-moi, vous voyez ça et tout d’un coup la notion d’aide et d’entraide prend tout son sens. Une véritable leçon de vie




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Nous avions l’occasion d’assister également à un cours de birman donné bénévolement par un des patients, le brave Ismaël. Entièrement paralysé du côté gauche, nous devions venir le chercher dans sa chaise roulante pour l’amener dans la classe. Coco s’est pris d’affection pour cet homme qui avait tout perdu, la santé, son travail, sa famille et ses enfants qu’ils n’avait pas revu depuis des années. Il se sentait si seul et isolé dans cet hôpital où il n’avait pas d’amis. Sa seule occupation et consolation était de pouvoir enseigner sa langue aux jeunes bénévoles grâce à sa connaissance de l’anglais. Et il suffisait simplement de voir son visage s’illuminer quand l’heure venait d’aller le chercher dans son lit pour l’emmener en classe… Une fabuleuse image.


A côté de cela, nous pouvons simplement rendre visite aux malades, passer du temps avec eux, partager. C’est ce que j’ai été faire un jour (Victoire) en allant discuter avec Nini, une patiente dans l’unité des retards mentaux qui est la « masquotte » des bénévoles. Elle est connue de tous pour sa gentillesse et sa passion du maquillage au thanaka (cfr. Dernier post) qu’elle aime transmettre. Alors que je ne la connaissait pas encore, elle m’a directement invitée à s’asseoir sur son lit et à discuter (via les quelques brefs mots d’anglais qu’elle connaissait), un énorme sourire au lèvres. Tout se passait normalement jusqu’au moment où elle comprit quel âge j’avais. Elle n’en revenait pas, j’étais si jeune, « a baby » comme elle disait et elle, du haut de ses 46 ans, « could be (your) mother »! Son attitude s’attendrit instantanément et elle me pris dans ses bras avant de me regarder intensément durant de longues secondes. Ce regard était chargé d’une telle émotion, de tant de bienveillance et d'amour qu’il m’a totalement déstabilisée. Je ne savais pas ce que cette femme avait vécu, ce qu’elle pensait au fond d’elle mais j’étais sûre d’une chose : je l’avais rendue heureuse par ma simple visite ce jour-là, et c’est tout ce qui comptait.


Une chose que nous avons beaucoup apprécié faire là-bas furent les cours d’anglais aux enfants du village. Nous sommes arrivés en période de vacances scolaires, ce qui signifie que ceux qui venaient étaient tous là par leur propre volonté, plus motivés et déterminés que jamais à apprendre. Étant par conséquent tous issus de familles très pauvres (puisqu’ils vivent au centre même), nous leur donnions bics et petits cahiers d’écriture, ce avec quoi ils étaient ravis. Très affectueux, ils ne rataient pas une occasion de nous sauter dans les bras, et de nous couvrir de câlins à tout va. Je les accompagnais souvent au ukulélé durant les chansons, ce qu’ils adoraient et j’avais même droit à une ovation à la fin de l’heure pour que j’enchaîne sur un cours de ukulélé. Trop mignon !


Durant la journée, 3 séances de méditation guidées étaient proposées, ainsi que des « Dhamma Class », une séance de réflexion sur le bouddhisme donné par une des anciennes bénévoles… de quoi nous renseigner !^^ Puis vers 18h30 se tenait le repas du soir entièrement préparé par les volontaires, pour finir la journée par le meeting quotidien afin de débriefer sur la journée écoulée, prévoir la suivante et recenser les nouveaux arrivants ainsi que les départs.




Nous sommes restés une semaine au Thabarwa Center, mais inutile de dire que nous aurions volontiers prolongé notre séjour… si seulement la durée de notre visa pouvait le permettre ! Il ne nous restait déjà plus que deux grandes semaines pour visiter tout le Myanmar, alors nous avons décidé de clôturer l’aventure là. Néanmoins, c’est la tête remplie de merveilleux souvenirs, enrichis de toute l’expérience acquise et plus déterminés que jamais à réitérer l’expérience dans d’autres pays, que nous sommes partis le 10 mars de Thabarwa pour nous remettre sur les routes de notre aventure birmane !


Asiatiquement vôtre,

Vic & Coco

 
 
 

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