SAE LAO, un combat pour l'éducation
- Vic & Coco
- 8 juin 2019
- 12 min de lecture
Dès le tout début de l’organisation de notre voyage, nous cherchions déjà des projets auxquels on voulait prendre part afin de nous investir et d'avoir un impact positif sur la vie locale. Comme dit précédemment, le problème est que les sites internet de bon nombre d’associations sont souvent introuvables et/ou mal faits. A contrario, ceux trop vite renseignés et très bien construits cachent bien souvent des arnaques ou de mauvaises intentions, comme c’est le cas pour la plupart des volontariats dans les « refuges d’éléphants » qui vous font payer 200$ la journée pour apporter votre aide… mouais. De nombreux projets sont montés par des structures plus ou moins fiables et leur fondement est souvent controversé, comme c’est le cas pour les pseudo « orphelinats » qui vont jusqu’à arracher des enfants à leurs parents en difficulté. L’Asie du Sud-Est représente l’une des destinations mondiales les plus attractives pour des jeunes bénévoles désireux de partager leur temps (et leur argent) avec des populations locales jugées nécessiteuses et c’est là que tout un business s’est développé. Ce concept, nommé volontourisme, pose de grandes interrogations éthiques et est de plus en plus remis en cause par les observateurs internationaux et par les bénévoles eux-mêmes. C’est une chose dont nous étions conscients avant de faire nos recherches et que nous voulions à tout prix éviter, alors nous avons fait preuve d'une certaine méfiance et n’avons sélectionné à l’avance qu’un seul projet : celui qu’on allait faire au Laos, SAE LAO.

Nous échangions donc depuis le mois de septembre avec cette association qui nous inspirait confiance, et ce sentiment n'a été qu'en grandissant suite à nos échanges réguliers par mail. SAE LAO est d’ailleurs la seule chose que nous avions prévue de faire avant de partir, et il faut dire que l’idée de nous être "imposés" quelque chose dès le départ nous stressait déjà. Allions nous arriver à temps ?, « et puis si ça se trouve, notre itinéraire changera et on ne sera pas au Laos à ce moment-là ! »… Et bien non, nous pouvons à présent affirmer que nous sommes bien arrivés le 14 avril devant l’arche d’entrée de l’association, en chair, en os et en motivation, plus prêts que jamais pour cette grande aventure humaine.
Le temps minimum de séjour qu’impose l’association aux volontaires est de deux semaines, pour des raisons évidentes de cohérence et de suivi des élèves. C’est pour cette durée-là que nous avons choisi de rester, afin de nous permettre de visiter un minimum le pays avant et après. Et puis, au début, cela nous paraissait déjà énorme de rester autant de temps au même endroit, nous qui avions l’habitude de bouger énormément. Après coup, vous imaginez bien que nous avons trouvé cela bien trop court…
SAE LAO est une association fondée en 2008 par un laotien, Sengkeo Frichitthavong, soucieux de pouvoir donner une éducation correcte aux enfants des villages ruraux environnement sa ville natale, Vang Vieng. C’est à un quinzaine de kilomètres de là que se trouve aujourd’hui l’association, dans un décor naturel magnifique, en pleine campagne laotienne. Le site est un vrai havre de paix, comme en communion avec la nature qui l’entoure, autour de paysages karstiques grandioses (typiques de cette région) et d’une nature presque vierge, comme encore sauvage. Il se situe d’ailleurs à quelques centaines de mètres d’un lagon, le « blue lagoon » comme il est appelé pour son eau d’un bleu turquoise incroyable (voir photo), perdu au milieu d’une végétation luxuriante. Le site de SAE LAO se compose de plantations biologiques, d’un restaurant du potager à la table (dont tous les profits vont au projet), d’un centre communautaire où se réunissent les volontaires ainsi que de dortoirs, construits essentiellement en matériaux naturels.
La principale mission de l’association est d’œuvrer pour l’éducation des jeunes des villages environnants en leur donnant des cours du soir d’anglais. Plusieurs centaines d’élèves bénéficient chaque années de ces cours gratuits que les volontaires leur donnent 5 soirs par semaine, par groupes de niveaux. Les jeunes de ces villages appartiennent enfaite à une minorité ethnique appelée « hmongs », qui depuis de nombreuses années est discriminée et rejetée par la population laotienne. Cette situation rend leurs chances d’avenir réduites, voire presque impossibles, étant donné que la persécution se fait également à l’école, par leurs professeurs eux-mêmes. Il s’est construit un véritable racisme envers les hmongs et c’est peinant à voir que cela continue encore.
Pour être plus précis, la communauté autochtone des Hmong, ethnie originaire de la Chine méridionale, fait l’objet d’une politique de persécution et d’oppression depuis la prise de pouvoir du parti communiste, le Phatet Lao, en 1975. Pour comprendre cette discrimination il faut remonter à la guerre d’Indochine où les Hmong se sont rangés du côté des français et par la suite auprès des Américains.
C’est donc pour aider cette population qu’intervient l’association Sae Lao, ou EEFA (Equal Education For All) dont nous avons fait partie durant 2 semaines. Rembobinons un peu tout, et commençons par le début : notre arrivée.

C’est le 14 avril 2019 que arrivons au point de rendez-vous à Vang Vieng, dans une petite auberge au bord de la ville de Vang Vieng. C'est là que les volontaires viennent chaque dimanche matin chercher les nouveaux arrivants comme nous. Nous y rencontrons déjà Hugo, un lyonnais de 24 ans arrivé la veille en Asie et qui avait prévu lui de rester 2 mois au projet. L’heure sonne et le pickup rempli de volontaires enjoués arrive à notre rencontre. Ils étaient 6 et nous comprenons vite, à notre plus grand étonnement, que c’étaient enfaite l’ensemble des bénévoles! Nous qui pensions être beaucoup plus comme à notre dernier projet en Birmanie par exemple, où nous étions une cinquantaine! A l'oreille, nous entendons rapidement dans leur anglais qu’ils parlent tous français et le lien se crée donc assez facilement. Ils nous expliquent que nous arrivons enfaite lors d’un jour très spécial : « Pi-Mai », le jour du nouvel an bouddhiste et que nous sommes déjà conviés à une cérémonie dans un des temples de la ville, où l’association a été invitée ! Ça commence bien !
Pour les bouddhistes, la célébration du nouvel an dure une semaine entière durant laquelle tout le monde fait la fête, boit, s’amuse, et sors dans la rue qui devient le terrain d’une bataille d’eau géante entre tout le monde. Cette tradition d'arroser les gens d'eau n'est pas là par hasard, elle est réalisée en signe de bénédiction où l’eau symbolise le passage à la saison des pluies qui débute durant cette période (nous allons d'ailleurs vite nous en rendre compte !).
Durant cette semaine-là, personne ne travaille ni ne va à l’école, c’est comme « férié » (même si rien n’est officiellement décrété) et nous comprenons donc vite que nous n’allons pas enseigner tout de suite et plutôt nous joindre aux festivités (aucun élève n'allait venir en cours). Rien n’était calculé (nous aurions même dû, de base, arriver deux semaines plus tôt), mais ce n’était pas pour nous déplaire ! Nous avons alors passé une première semaine complètement géniale, à se faire inviter de toute part par des laotiens avec qui nous fêtions l’évènement, dans leur restaurant, leur maison ou même leur rizière… Je pense que nous n'avons jamais été secs durant cette semaine, constamment trempés par les locaux qui nous arrosaient et qui s'en donnaient à coeur joie! L’ambiance était incroyable autant dans la ville, entre les habitants, qu’entre nous, volontaires. C’est probablement grâce à cette semaine si particulière que nous avons pu tisser des liens forts entre nous, volontaires, et même de vraies amitiés comme nous n’en avions encore jamais eue durant le voyage. De plus, personne n’est arrivé le dimanche qui a suivi, ce qui fait que nous avons été la même team durant deux semaines entières. Nous étions donc 8 au final (sans compter Hervé, le coordinateur du projet de 54 ans qui venait régulièrement se joindre à nous) et coup du destin, à ce moment-là essentiellement francophones ! (Et pas « français », nous précisons bien, car nous avons fièrement apporté à nous deux un peu de soleil belge dans tout ce beau monde !). Durant cette semaine, nous avons pu expérimenter une réelle immersion dans la vie des laotiens et ainsi observer et comprendre leur mode de vie, chose que nous aurions eu difficile à faire autrement. Pour dire, nous avons même eu la chance d’être invités à un mariage laotien! Ce fut une superbe expérience, une immersion totale dans la culture locale et un accueil incroyable par la famille des mariés (seule la chaleur nous a fait défaut : plus de 45 degrés ce jour-là !).

Étant un des pays les plus pauvres d’Asie, le contraste avec notre réalité à nous fut saisissant et très interpellant (cfr. Au post précédent où nous développons ce point-là). Au fur et à mesure que les jours passaient, nous prenions d'avantage nos marques, nos petites habitudes et on peut dire que c’est la première fois que nous nous sentions aussi intégrés dans un pays! Nous n’étions plus de simples touristes ou voyageurs, mais bien des habitants (presque) comme les autres et reconnus dans notre travail. Là où nous passions, les gens souvent nous reconnaissaient et semblaient heureux de nous voir. En même temps, difficile de rater le légendaire petit truck gris de l'association qui arpente jours et nuits les routes de Vang Vieng et ses campagnes, constamment rempli d’une dizaine de volontaires agglutinés dans la remorque à l’arrière, qu’il vente ou qu’il drache !
Après cette semaine riche en surprises (et en bière haha), nous avons pu commencer notre réelle mission : l’enseignement. Nous nous sommes alors faits attribuer nos écoles (il y en a deux, de deux villages différents dans lesquels l’association intervient), nos niveaux (il y a 5 levels de classe) ainsi que nos classes. Le level 5 correspond au niveau le plus fort, et depuis peu, l’association propose à ces élèves-là de venir passer un an d’internat à Sae Lao pour approfondir d'avantage leur anglais et leurs connaissances, pour ensuite intégrer une université à Vang Vieng ou à l’étranger, tout frais payés (comme Pa, s C’est en quelque sorte l’aboutissement et l’objectif ultime de l’association que de pouvoir envoyer ces jeunes aux études supérieures, ce à quoi ils auraient difficilement accès sans l'aide de l'association. Dans la « cotisation » que l’on paye pour notre séjour à Sae Lao (10€/jour env.), une grande partie va en effet directement servir à payer les années d’étude des jeunes internes.


Durant le meeting concernant les cours, Laure-Anne, la coordinatrice des volontaires, a pris le temps de nous expliquer tout ce qu’il fallait savoir pour enseigner correctement, et ce dans les règles laotiennes (longues jupes imposées au filles, pantalons pour les garçons, cheveux attachés pour tout le monde, épaules couvertes etc). Nous avons également été tenus de respecter certaines règles plus « sensibles » comme de ne surtout pas parler de politique, de religion ou encore de mœurs, étant donné la politique dictatoriale dans laquelle les laotiens vivent actuellement. En effet, plusieurs étrangers ont ainsi déjà mystérieusement disparus au Laos pour avoir parlé ouvertement du régime en place… Et puis, il serait compliqué de leur expliquer le concept de démocratie par exemple, eux qui n’ont jamais connu autre chose que l’oppression. Au niveau de l’attribution des classes, Coco a pris l’école du petit village de Nasom et les levels 1 (9 – 15 ans env.) et 3 (14 – 18 ans). Victoire, elle, s’est dirigée vers l’école de l’autre village, Puddingdem, pour enseigner aux levels 1 et 2 (12 – 18 ans). Les levels correspondent essentiellement aux niveau, c’est pourquoi nous pouvons parfois retrouver de grands écarts d’âge entre les élèves.
C’est un peu perdus dans notre nouveau rôle mais motivés à bloc que nous débutons notre première soirée de cours. Il faut savoir que chaque volontaire enseigne deux heures sur les trois que compte le programme du soir, ce qui fait que nous sommes donc à l’école de 17h à 20h, heure à laquelle le truck vient tous nous rechercher. En début de semaine, chaque volontaire reçoit des fiches détaillées de la matière à voir (séparées en « Unit » ("chapitre"), chacune prenant +/- une semaine), mais avons le choix de présenter les cours comme bon nous semble. Finalement, nous nous sommes rapidement sentis à l’aise avec les élèves et dans notre rôle de professeur. C’était assez marrant et étrange de se dire que moins d’un an après être sortis nous-même de l’école, nous passions déjà de l’autre côté pour enseigner à notre tour... cela donnait donc vie à des situations plutôt cocasses ! Nous retrouvions facilement certains comportements d’élèves que nous avions eu nous en classe (comme papoter avec ses voisins, manger, s'envoyer des petits mots en cours...) et il était donc difficile de s’énerver sur ces élèves-là, dans lesquels on se retrouvait finalement hahaha.
Nous avons tous les deux adoré enseigner et avons passé une semaine inoubliable aux côtés de nos petits élèves auxquels nous nous sommes inévitablement attachés. Et visiblement, eux aussi… Quelque chose dont je (Victoire) me souviendrai toute ma vie est ce soir du vendredi, où j’ai annoncé à ma classe de level 2 (15 ans environ) que je m’en allais et qu’ils ne devaient plus dire « see you tomorrow teacher » mais juste « goodbye ». Du haut de leur faible niveau d’anglais, ils ont rapidement compris à ma tête ce que cela signifiait et se sont tous précipités pour me courir dans les bras. Ils me serraient tous si fort contre eux que j’en eu des frissons. Je ne m’y attendais tellement pas, surtout venant de ces jeunes pour la majorité très pudiques et d’une grande timidité. Ce moment a duré bien de longues minutes, certains ne voulaient pas me lâcher tandis que d’autres paraissaient même émus… Waw, j’ai vite compris que cette image allait me rester très longtemps.


Un autre moment qui m’a beaucoup marqué est ce jour où j’ai été à la rencontre des petits enfants les plus pauvres du village, des tout jeunes de 2 à 4 ans environ que j’observais chaque soir errer dans la cour de l’école, à observer les autre enfants jouer. Timides, sales et rejetés, ils restaient vraiment à part dans cette cours et pour ceux qui connaissent mon amour pour les enfants, vous imaginez combien c’était dur de ne rien y faire… Alors un jour qu’on avait un moment de battement entre deux cours, j’ai été les voir. Je m’attendais à avoir du mal à établir un contact, mais ils se sont révélés ultra communicatifs et très joueurs. J’ai d’abord commencé par leur faire voir mon appareil photo puisqu’ils paraissaient intrigués et là déjà, je voyais leur petits visages s’illuminer face à ce qu’ils découvraient.
Je les ai photographiés à ce moment-là, et j’ai alors pu constater leurs gros problèmes de peau, leur saleté et puis surtout sentir leur odeur, une odeur de grande précarité.
Elle me rappelait d’ailleurs celle que j’avais chaque année à la fin de la journée « crado » au camp scout, dont le but est de finir la plus sale possible… et ce n’est pas exagéré. Voyant qu’ils étaient super réceptifs, j’ai ensuite joué avec eux, à les attraper et à les faire tourner autour de moi. Alors là, je peux vous dire que j’ai rarement vu des sourires aussi grands et des rires si attendrissants. Jules (un des volontaires) qui n’était pas loin a pu prendre des photos de cet instant magique, de ce court moment de retour à l’innocence dont ces petits cœurs profitaient pleinement… Peu importe les 40 degrés et les gouttes qui tombaient sur mon visage essoufflé, je voyais qu’ils en avaient besoin et ils me le rendaient en triple. Cette petite trentaine de minutes me rappela alors définitivement la raison pour laquelle j’aimais tant m’occuper et échanger avec les enfants…
Un de mes plus beaux souvenirs à moi (Coco) fut le jeudi de la deuxième semaine, alors que je me rendais avec ma team de volontaires (Laure et Hugo) à l'école pour donner cours. En nous mettant en route, il pleuvait déjà des cordes (merci la saison des pluies...) et il y avait de sérieux orages au loin. Sur la route, nous n'étions pas des plus motivés il faut l'avouer, mais pas question de faire demi-tour, les enfants nous attendent. Déjà trempés (oui, nous voyageons toujours dans la remorque du truck alors forcément à l'air libre !), nous sommes donc arrivés sur le terrain de foot de l’école (qui leur sert de cour), et avons observé deux élèves en caleçons et train de jouer et de glisser dans la boue, sous la pluie, juste insouciant et heureux. En arrivant en classe, on a remarqué que l’électricité avait lâché a cause de l’orage et de la pluie (dès qu’il pleut un peu, l’électricité saute dans les petits villages). Laure a donc appelé le responsable des cours (un autre volontaire) pour lui demander ce qu'il fallait qu'on fasse. Et puis c'est vrai, il faut l'avouer, notre seul désir à ce moment-là était de rejoindre les élèves sous la pluie et de jouer avec eux. 15 minutes après, l’électricité n'était toujours pas revenue. Inutile d'attendre plus longtemps, alors nous nous sommes déchaussés et avons couru jouer au foot avec eux durant le reste de la soirée. On s'en est donné à coeur joie croyez-moi, à se laisser mouiller par la pluie, glisser dans la boue, et rigoler avec les enfants, ravis qu'on les aient rejoint ! Tradition et culture l’impose, nous devions rester en pantalon et en t-shirt, interdit pour les élèves de voir leur prof torse nu ou en caleçon. On a fait avec, et on s’est amusés comme des fous à se salir sans se soucier de rien, faire des batailles de boue sans avoir maman qui nous crie « arrête, ça ne part pas à la machine! » et riant même d’être méconnaissable sous notre couche de boue... c’est ça la belle vie ! Ce sentiment de liberté, de pouvoir juste profiter de l’instant était fabuleux. Deux heures plus tard, c'est tout boueux, trempés et fatigués que nous sommes rentrés à Sae Lao, mais tellement ravis d'avoir vécu cette partie de foot incroyable dont nous nous souviendrons longtemps.


Nous sommes partis le dimanche 28 avril, après deux des plus belles semaines de notre voyage. Nous y avons lié de réelles amitiés avec des gens formidables, et avons grandis encore énormément dans notre façon de voir les choses et de les vivre. C’est donc forts de cette incroyable aventure que nous avons repris le chemin du Laos, des souvenirs impérissables plein la tête.
Juste MERCI.
SAE LAO 2019
Asiatiquement vôtre,
Coco et Vic.
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